Le métier d'écrire

"Pour ceux qui pratiquent la littérature comme leur métier (et ceci fut mon cruel sort depuis l'âge de 25 ans), c'est certainement le plus dur, le plus capricieux et effectivement le plus abominable de tous les métiers, pour la bonne raison que ce n'aurait jamais dû constituer un métier. Un homme n'est pas plus censé vivre de sa plume, qu'il n'est censé vivre de sa conversation, ou de la façon dont il s'habille, dont il se promène ou dont il voyage. Il n'y a aucun lien entre la fonction des lettres et leur effet économique. il n'y a aucune relation entre la qualité, ou la médiocrité, ou l'importance d'un ouvrage littéraire, et les sommes qu'on paie pour cet ouvrage. Pareille relation ne serait pas naturelle et en fait elle n'existe pas. Quand les gens disent que la bonne littérature ne se vend pas, ils sont à côté de la question. Parfois la bonne littérature se vend bien, et parfois la très mauvaise littérature se vend tout aussi bien. Il arrive que des livres importants se vendent bien, et il arrive que des livres absurdes, ridicules et faux se vendent fort bien aussi. Le fait est simplement que les ventes d'un livre n'ont rien à voir avec les qualités de ce livre. La relation entre l'excellence ou la pertinence d'un ouvrage littéraire et le nombre de ses lecteurs à un moment donné n'est pas une relation causale : c'est un caprice imprévisible."

Hilaire Belloc dans The Cruise of the "Nona" (1925) cité par Le magazine littéraire n°452 avril 2006 p6

© Gilda Gonfier - 25 mars 2008
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